Comment parler des violences sexuelles avec les enfants pour les prévenir et les empêcher ?
Mis à jour le 01 septembre 2023 Dr Catherine SALINIER
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Ces dernières années, la parole des victimes de pédophilie et d’inceste s’est libérée. Il est du rôle des adultes de parler du sujet des violences sexuelles, encore tabou, aux plus jeunes pour les protéger. Comment l’aborder avec nos enfants et adolescents ? Quelle attitude adopter en tant que parents ? Quels sont les signes évocateurs d’une personne mineure victime de ces violences ?
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Qu’est-ce que la pédophilie ?
Est considéré pédophile l’adulte ayant des sentiments amoureux ou une attirance sexuelle envers un enfant ou un adolescent. Les actes se rapportant à la pédophilie (attouchements, viol…) sont punis par la loi. A noter que toute personne ayant connaissance de sévices envers un enfant est tenue de le signaler à la justice sous peine d’être sévèrement poursuivie.
En France, la majorité sexuelle est fixée à 15 ans. En dessous de cet âge, on considère que la notion de consentement ne peut pas être invoquée.
Au-delà de 15 ans et jusqu’à la majorité est considérée comme agression sexuelle tout acte sexuel d’un adulte sur un mineur sur lequel il a une ascendance morale ou une autorité (enseignant, employeur).
Glaçants, les chiffres de ces dernières années prouvent que ces actes de pédophilie sont loin d’être une exception :
- 1 fille sur 5 et 1 garçon sur 13 subit ou aurait subi des violences sexuelles[1],
- 200 000 victimes mineures déposent une plainte pour violence sexuelle contre leur agresseur chaque année[2].
Quand cela se passe dans le cadre familial…
Lorsqu’un rapport sexuel a lieu entre membres d’une même famille (parent et enfant, frère et sœur, grand-parent et petit enfant…), on parle alors d’inceste. Puni par la loi, l’inceste est considéré comme étant une circonstance aggravante du crime sexuel.
Selon un sondage Ipsos réalisé en 2020 pour l’association « Face à l’inceste », 1 français sur 10 dit avoir été victime d’inceste[3]. Progressivement, la parole se délie, les agresseurs sont courageusement dénoncés par leurs victimes et ce notamment grâce au mouvement #MeTooInceste lancé récemment sur les réseaux sociaux.
Pourquoi est-il important de parler de la pédophilie ?
Pour prévenir et réduire autant que possible les actes de pédophilie dans notre société, il est important de communiquer sur le sujet.
Communiquer pour dissuader les agresseurs sexuels
Plus la société aura connaissance, reconnaîtra et parlera de la pédophilie, plus on pourra souhaiter que les prédateurs sexuels prennent conscience de leur comportement criminel et s’en abstiennent.
Cependant, les auteurs de ce type de faits, pour des raisons psychiatriques, ne maîtrisent pas leurs pulsions et enfreignent les règles de droit, tout comme on le voit dans d’autres modes de criminalité. C’est pourquoi il est primordial de sensibiliser les enfants sur ce sujet et les mettre en garde.
Communiquer pour informer les enfants
Il est impossible pour un enfant de se protéger d’un acte de violence dont il n’a pas connaissance de l’interdiction et de la gravité. En revanche, en étant sensibilisé aux notions d’agressions sexuelles, il sera davantage apte à identifier un pédophile et à réagir face à un adulte au comportement anormal.
Comment parler de la pédophilie à son enfant ?
Il peut parfois être bien difficile d’aborder des sujets sensibles avec les plus jeunes… L’objectif ? Alerter les enfants sans les effrayer ! Et surtout les inciter à parler de tout ce qui les trouble. Plus l’enfant verra que ses parents lui parlent clairement de tout ce qui peut arriver dans la vie, plus il abordera lui-même les sujets qui le concernent. Le silence entraine le silence, la parole délivre la parole.
A partir de quel âge en parler ?
C’est entre 3 et 4 ans, selon sa maturité, qu’un enfant réalise qu’il existe des différences entre les sexes. Petit à petit, il comprend que le corps a plusieurs fonctions (faire des bébés et comment on fait les bébés, voir ses parents s’embrasser sur la bouche etc…) et prend conscience ainsi de la sexualité, qu’il a d’ailleurs parfois découverte lui-même inconsciemment par la masturbation. C’est aussi à partir de cette période de la vie que les parents peuvent commencer à faire de la prévention, dans le cadre de son éducation, pour aborder le sujet de la pédophilie avec leur enfant, en usant de termes progressivement adaptés à son âge.
Quel discours adopter ?
Les enfants doivent apprendre qu’ils n’ont pas à subir de telles violences et que, si cela arrive, il est important d’en parler aussitôt à un adulte de confiance. Il est alors essentiel de leur expliquer le terme de pédophilie et que sexualité et organes sexuels doivent rester cachés et intimes. Pour cela, il convient de dire qu’il ne faut ni les montrer, ni les laisser toucher par quelqu’un qui n’y est pas autorisé ou dans une circonstance autre que les soins. Le « quelqu’un » sous-entend, le papa, la maman, le tonton, le grand-père, le frère, le voisin, les amis de la famille… De telles recommandations peuvent être énoncées à l’occasion de la toilette du corps ou encore de la visite chez le docteur.
Cette thématique doit être abordée de façon naturelle et normale, comme l’on prévient chaque enfant de tout risque de la vie ou de la rue. L’idéal est que les deux figures parentales soient présentes lors de ces discussions.
Si par malheur une agression se produisait, l’enfant doit être invité à parler du sévice à sa maman et à son papa, sans avoir peur des représailles, même s’il s’agit d’une personne qu’il connait bien et même si cette personne est l’un de ses parents et même (et surtout) si cette personne lui a demandé de garder le secret ou l’a menacé s’il parlait.
Comment agir au quotidien en tant que parent ?
Certaines études ont montré que plus le père s’occupe de son bébé pour lui donner les soins (change, toilette…), plus il est impliqué auprès de son nourrisson et non à l’écart du duo mère-bébé, et moins il y aura risque d’inceste plus tard. Mais les agresseurs sexuels ne sont pas que les pères, loin de là.
Il est permis et légitime de se laisser voir nu.e à son enfant de moins de 3 ans (prendre son bain avec lui, faire sa toilette…) et donc de “satisfaire” sa curiosité naturelle de connaitre comment est un corps humain et ainsi de voir la différence des sexes.
Par contre passé cet âge de 3-4 ans, il est important d’instaurer des rapports de pudeur dans les rapports familiaux :
- on ne montre plus son corps nu ostensiblement même si on ne le cache pas forcément,
- on frappe avant d’entrer dans la salle de bain,
- on ne prend plus le bain ensemble,
- on demande à son enfant de laver seul ses parties génitales ou de s’essuyer aux toilettes.
Sauf circonstances particulières de familles pratiquant le naturisme. Mais dans ce contexte là aussi, il y a des règles de vie et de pudeur.
Comment reconnaître un enfant victime de pédophilie ?
Repérer un mineur victime d’agression sexuelle peut s’avérer difficile s’il ne parle pas. Il convient alors d’être vigilant face aux signes pouvant faire soupçonner qu’il va mal :
- troubles du sommeil,
- troubles scolaires,
- anxiété,
- tristesse,
- douleurs répétées (mal au ventre, à la tête),
- troubles du comportement (repli sur soi, agressivité, comportement sexuel…)
- agitation,
- refus d’aller chez un tel ou un tel,
- et aussi ,bien sûr, toute douleur, irritation, ou refus d’examen des parties génitales.
A noter que tous ces signes de mal-être, qui ne sont en rien spécifiques à ces situations d’agressions sexuelles, sont toujours à prendre en compte chez un enfant. Une discussion et une consultation chez un professionnel de santé sont de rigueur. Les pédiatres sont formés et aptes à identifier les comportements normaux des réactions anormales chez le tout-petit.
Il est important aussi de rester vigilant à la relation qu’un enfant peut avoir avec un adulte de son entourage dès qu’elle parait insistante ou dépasser ce qui est légitime. Et ce d’autant plus si l’enfant ne manifeste pas de joie particulière à voir cet adulte et, a fortiori, s’il manifeste des réticences à son égard.
Puisqu’on ne peut pas vivre dans le soupçon permanent et la méfiance vis à vis de l’entourage, on ne peut pas non plus priver un enfant de relations en dehors du cercle étroit de la famille proche. Il est essentiel qu’il voit la famille élargie, qu’il aille chez des copains, y compris pour y dormir, qu’il parte en colonie… L’essentiel reste donc pour les adultes d’apprendre et de donner les moyens aux mineurs de prendre la parole en toute confiance, sans peur aucune, sur n’importe quel sujet.
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Notes :
[1] Centre de Victimologie pour Mineurs, C’est quoi les violences sexuelles ?, https://cvm-mineurs.org/page/c-est-quoi-les-violences-sexuelles
[2] Télérama, Parler aux enfants des violences sexuelles : “C’est notre silence qui les met en danger”, https://www.telerama.fr/enfants/parler-aux-enfants-des-violences-sexuelles-cest-notre-silence-qui-les-met-en-danger,n5906287.php
[3] Le Monde, L’inceste, un phénomène tabou à l’ampleur méconnue, https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/05/l-inceste-un-phenomene-tabou-a-l-ampleur-meconnue_6065232_3224.html
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