Boulimie : comprendre ce trouble du comportement alimentaire pour mieux aider votre enfant ou adolescent
Mis à jour le 09 juillet 2025 2 de nos experts

La boulimie est un trouble des conduites alimentaires (TCA) qui peut concerner les adolescents et, plus rarement, les enfants. La boulimie concerne environ 1,5 % des adolescents de 11 à 20 ans, en majorité des filles (3 filles pour 1 garçon), avec un pic d’apparition autour de 16 ans, tandis qu’elle reste extrêmement rare chez l’enfant prépubère (quelques cas pour 100 000 enfants par an)3. Elle se manifeste par des crises de suralimentation suivies de comportements compensatoires comme les vomissements ou le jeûne.
Ce trouble, souvent méconnu ou confondu avec d’autres, a des conséquences importantes sur la santé physique et mentale. Mieux le comprendre permet aux parents de repérer les signes, de consulter à temps et d’accompagner leur enfant de façon adaptée.
Sommaire de l'article
Qu’est-ce que la boulimie ?
Définition et particularités du trouble
La boulimie est un trouble des conduites alimentaires (TCA) caractérisé par la survenue répétée de crises alimentaires incontrôlées, suivies de comportements destinés à éviter la prise de poids. Ces épisodes peuvent se produire plusieurs fois par semaine, voire par jour, pendant au moins 3 mois.
Comme dans l’anorexie mentale, on retrouve une estime de soi influencée de manière excessive par le poids ou la forme corporelle mais contrairement à l’anorexie mentale, la boulimie n’entraîne pas nécessairement une perte de poids importante : de nombreuses personnes boulimiques ont un poids normal, voire légèrement supérieur à la moyenne. Ce trouble est donc parfois plus difficile à repérer.
Boulimie et hyperphagie boulimique : quelles différences ?
La boulimie et l’hyperphagie boulimique partagent un point commun : les crises de suralimentation. La principale différence réside dans l’absence de comportements compensatoires dans l’hyperphagie. Les patients ne se font pas vomir et ne cherchent pas à « annuler » la prise alimentaire. En conséquence, l’hyperphagie entraîne souvent une prise de poids progressive et peut conduire à l’obésité.
Un TCA souvent lié à d’autres troubles psychiques
La boulimie est rarement un trouble isolé. Elle est fréquemment associée à d’autres troubles de la santé mentale, notamment :
- une anxiété importante
- des troubles dépressifs
- une faible estime de soi
- un trouble obsessionnel-compulsif (TOC)
- une anorexie mentale (27% des sujets souffrant de boulimie nerveuse ont des antécédents d’anorexie mentale).
Ces troubles peuvent précéder, accompagner ou résulter du TCA. C’est pourquoi une prise en charge globale est essentielle, en tenant compte à la fois du comportement alimentaire et de l’état psychologique du patient.
Quels sont les symptômes de la boulimie ?
La boulimie peut passer inaperçue, surtout chez les adolescents, car les signes ne sont pas toujours visibles et le poids reste souvent dans la norme. Pourtant, certains symptômes comportementaux et physiques doivent alerter les parents et les professionnels.
Les crises de boulimie : fréquence, durée, aliments consommés
Pendant une crise, l’enfant ou l’adolescent va ingérer une grande quantité de nourriture en un laps de temps très court, souvent en moins de deux heures. Cette caractéristique fait partie des critères diagnostiques définis par le DSM-51. Il ne s’agit pas d’un simple grignotage ou d’un excès ponctuel, mais d’un épisode massif et compulsif, marqué par une perte totale de contrôle.
La personne boulimique n’arrive pas à s’arrêter, même lorsqu’elle n’a plus faim ou se sent physiquement mal. En général, au début du trouble, les crises sont précédées d’un état émotionnel de stress ou d’un sentiment de solitude, puis selon l’évolution de la maladie, elles peuvent être planifiées et indépendantes de déclencheurs.
Ce comportement est souvent suivi d’un sentiment intense de honte, de culpabilité ou de dégoût de soi. De ce fait, les crises sont généralement réalisées en secret, loin du regard des proches.
Les aliments consommés sont fréquemment choisis pour leur valeur énergétique élevée et leur caractère réconfortant :
- sucreries (chocolats, biscuits, glaces),
- aliments gras, salés (chips, fromages, plats cuisinés),
- produits riches en glucides (pain, pâtes, viennoiseries).
Ce type de nourriture est parfois ingéré sans même être mâché ou savouré, dans un état proche de la dissociation. Après la crise, le retour à la réalité est brutal : l’adolescent peut éprouver une grande détresse psychologique, un sentiment de perte de contrôle sur sa vie et mettre en place des comportements compensatoires pour tenter d’annuler les effets de cette prise alimentaire.
Les comportements compensatoires
Pour éviter une prise de poids, la personne boulimique adopte ensuite des comportements dits compensatoires :
- vomissements provoqués,
- prise de laxatifs ou de diurétiques,
- jeûne strict ou sauts de repas,
- activité physique excessive.
Ces stratégies, souvent répétées, peuvent avoir des conséquences graves sur la santé, notamment des troubles digestifs, des carences, des problèmes dentaires et des déséquilibres électrolytiques, c’est-à-dire une perturbation du taux de sels minéraux (comme le sodium, le potassium ou le magnésium) dans le corps, pouvant affecter le cœur, les reins ou le fonctionnement nerveux.
Une préoccupation excessive pour le poids ou la forme du corps
Il existe une influence majeure du poids et de la forme corporelle sur l’estime de soi, le poids devient le moteur de l’estime et rien d’autre ne peut le remplacer. Le jeune peut alors adopter des rituels de pesées quotidiennes voire plusieurs fois par jour. Il est fréquent de retrouver une insatisfaction corporelle majeure voire une différence majeure entre l’image corporelle perçue par le jeune et la corpulence réelle (dysmorphophobie), comme dans l’anorexie mentale mais moindre en intensité.
Quelles sont les causes et facteurs de risque ?
La boulimie ne résulte jamais d’un seul élément déclencheur. Comme pour la plupart des TCA, elle apparaît à la croisée de plusieurs facteurs, qui peuvent varier d’une personne à l’autre. Il a été identifié des facteurs prédisposants, qui influenceraient une trajectoire de vulnérabilité d’intensité variable selon le type et la répétition de ces facteurs. Des facteurs précipitants, qui déclenchent les premiers symptômes de la maladie, les TCA seraient alors une réponse adaptative de l’individu à une situation de stress psychique. Et des facteurs d’entretiens, qui renforcent les symptômes et maintiennent l’individu dans ses conduites qui deviennent rapidement inadaptées et délétèrent. Comprendre ces influences est essentiel pour mieux prévenir et accompagner ce trouble.
Les facteurs psychologiques
La boulimie est souvent liée à certaines fragilités psychologiques. Chez les personnes concernées, on observe fréquemment une faible estime de soi, un perfectionnisme prononcé, ainsi qu’une peur intense de l’échec ou du rejet. Ces individus ont parfois des difficultés à exprimer ou gérer leurs émotions, ce qui peut les pousser à utiliser la nourriture comme un moyen d’apaiser leur anxiété, leur tristesse ou un mal-être difficile à nommer. Ces personnes disent fréquemment qu’elles mangent leurs émotions ou comblent une sensation de vide avec la nourriture. On peut également retrouver des troubles de l’attachement de type insécure.
Environnement familial et sociétal
Le contexte familial joue un rôle déterminant dans le développement du trouble. Une pression excessive autour du poids ou de l’apparence, un modèle alimentaire déséquilibré ou trop restrictif, ou encore des antécédents familiaux de troubles alimentaires, de dépression ou d’anxiété peuvent augmenter la vulnérabilité de l’enfant ou de l’adolescent.
De plus, une exposition précoce à des régimes restrictifs ou à des discours dévalorisants sur le corps peut favoriser l’apparition du trouble. Au-delà du cercle familial, les adolescents sont aussi confrontés à des standards de beauté irréalistes véhiculés par notre modèle sociétal, les médias et les réseaux sociaux, ce qui accentue les comparaisons et la pression sur leur image corporelle.
Facteurs biologiques et génétiques
Selon les études épidémiologiques comparants des jumeaux, il existe une composante génétique prédisposant aux TCA. Il n’y aurait pas un ou plusieurs gènes prédisposants, mais plutôt une multitude de gènes et de mécanismes qui en interagissant avec l’environnement (épigénétique) constituerait un facteur de vulnérabilité. L’héritabilité de la boulimie nerveuse est estimée entre 50 et 60%, ce qui signifie que si l’on considère l’ensemble des facteurs prédisposants, la part génétique représenterait 50 à 60%. Mais cette prédisposition seule ne suffit pas, et être prédisposé ne signifie que la personne va développer une boulimie.
En effet, il s’agit plutôt d’une prédisposition génétique, combinée à des modifications biologiques importantes comme la puberté ou des maladies chroniques, ainsi qu’à des évènements de vie marquants comme des changements familiaux, des situations de harcèlement ou des séparations, qui pourront favoriser l’émergence du trouble.
Par ailleurs, des déséquilibres neurobiologiques, notamment au niveau des systèmes de la dopamine et de la sérotonine, peuvent influencer la régulation des impulsions et le rapport à la nourriture, augmentant ainsi la vulnérabilité face aux troubles alimentaires.
Quelles conséquences pour la santé ?
Impact sur le poids, la croissance et l’équilibre nutritionnel
Chez l’enfant ou l’adolescent boulimique, les effets des crises alimentaires répétées et des comportements compensatoires ne tardent pas à se manifester sur le plan physique. Le poids peut rester normal ou fluctuer, parfois en alternant des phases de perte et de prise rapide.
Cependant, la croissance peut être perturbée. Chez les jeunes en pleine puberté, période de transformation corporelle majeure, les carences nutritionnelles provoquées par les vomissements, le jeûne ou l’usage de laxatifs peuvent freiner le développement osseux, hormonal et musculaire. Une alimentation déséquilibrée, appauvrie en vitamines, minéraux, protéines ou graisses essentielles, compromet la santé globale du patient.
De plus, les épisodes de suralimentation incontrôlée peuvent modifier durablement la perception des signaux de faim et de satiété, perturbant les repères physiologiques de l’enfant. Cela peut renforcer un cercle vicieux d’anxiété et de comportements alimentaires compulsifs.
Conséquences sur la santé mentale
L’un des signes marquants est la détresse émotionnelle ressentie après les crises : honte, culpabilité, perte de confiance en soi. Cette douleur morale est parfois si intense qu’elle isole l’adolescent de son entourage, accentue son mal-être et renforce la fréquence des comportements boulimiques. Le trouble s’installe alors dans un cercle vicieux difficile à briser.
La boulimie est également fréquemment associée à des troubles anxieux, des épisodes dépressifs ou un trouble de l’estime de soi. L’enfant ou l’adolescent peut développer une vision très dévalorisée de son corps, de ses capacités ou de sa place dans le monde. Cela augmente le risque de repli social, d’absentéisme scolaire, voire d’idées suicidaires dans les cas les plus sévères.
La prise en charge doit donc impérativement inclure une évaluation psychologique approfondie. En effet, traiter uniquement les symptômes alimentaires ne suffit pas : la souffrance mentale sous-jacente doit être reconnue et prise en compte pour permettre une véritable amélioration.
Diagnostic : comment repérer la boulimie ?
Quand consulter ?
Certains signes doivent alerter les parents. Il est recommandé de consulter un professionnel de santé lorsque l’enfant ou l’adolescent présente :
- des changements soudains dans ses habitudes alimentaires (repas sautés, grignotages excessifs, cachette de nourriture) ;
- une obsession pour son poids ou son image corporelle ;
- allégations de douleurs abdominales, de nausées ou de vomissements répétés
- des allers-retours fréquents aux toilettes après les repas ;
- une grande fatigue, une irritabilité, ou des variations de l’humeur inexpliquées ;
- un repli sur soi, une perte d’intérêt pour les activités habituelles.
Plus le trouble est repéré tôt, meilleures sont les chances de mise en place d’une prise en soin efficace. Une consultation précoce permet de poser un diagnostic et de débuter un accompagnement adapté, avant que les comportements boulimiques ne deviennent chroniques.
Le rôle du médecin généraliste ou du pédiatre
Le médecin généraliste ou le pédiatre est souvent le premier interlocuteur lorsqu’un parent s’inquiète pour son enfant. Il joue un rôle clé dans le repérage de la boulimie. Lors de la consultation, il évalue l’état général de l’enfant, son poids, sa croissance, ses habitudes alimentaires et son état psychologique.
Il peut poser des questions ciblées sur les comportements de l’adolescent autour de la nourriture, sur d’éventuelles pratiques compensatoires et recherche une souffrance psychique sous-jacente. En fonction de ses connaissances, il peut poser le diagnostic et coordonner les soins ou orienter l’enfant vers une équipe spécialisée pour un diagnostic complet (évaluation de l’état physique, psychologique, du rapport au corps et des comportements alimentaires, recherche de complications : carences, troubles digestifs, problèmes dentaires, déséquilibres hydroélectrolytiques) et une prise en soins adaptée.
Comment traiter la boulimie ?
La prise en soins est multidisciplinaire, au minimum somatique (médecin nutritionniste, pédiatre, médecin généraliste) et psychologique (pédopsychiatre ou psychiatre et/ou psychologue). L’idéal est qu’elle soit coordonnée, précoce, familiale et ambulatoire autant que possible.
Thérapies psychologiques
Le traitement de la boulimie repose avant tout sur un accompagnement psychologique adapté. Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont recommandées comme traitement de première intention, selon la Haute Autorité de Santé2 : elles aident le patient à mieux comprendre les mécanismes de ses crises, à identifier les pensées négatives qui les déclenchent et à développer des stratégies pour y faire face autrement.
Chez les adolescents, un travail thérapeutique incluant la famille est souvent essentiel. Les thérapies familiales permettent de restaurer la communication, d’apaiser les tensions et de soutenir l’enfant sans jugement. Ces approches visent à réduire les comportements boulimiques, mais aussi à reconstruire l’estime de soi et à améliorer la régulation émotionnelle.
Suivi médical et diététique
En complément de l’accompagnement psychologique, un suivi médical est indispensable pour évaluer les conséquences physiques du trouble : perturbations hormonales, carences, troubles digestifs, ou encore déséquilibres électrolytiques et problèmes dentaires liés aux vomissements. Le médecin veille à la sécurité du patient, notamment en cas de comportements à risque ou de complications somatiques.
Parallèlement, l’intervention d’un professionnel de la nutrition ou d’un diététicien formé aux TCA permet de rétablir une relation plus apaisée à l’alimentation. Le but n’est pas de mettre en place un régime, mais de soutenir une alimentation structurée, sans culpabilité et respectueuse des sensations de faim et de satiété. Ce travail contribue à sortir du cycle des restrictions, des crises et des compensations.
Médicaments : dans quels cas sont-ils proposés ?
Les médicaments ne constituent pas le traitement de première intention de la boulimie, mais ils peuvent être prescrits dans certains cas, notamment en présence de troubles associés comme une dépression ou une anxiété marquée. Certains antidépresseurs, comme les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS), ont montré une efficacité modérée, selon la Haute Autorité de Santé2 pour réduire la fréquence des crises chez certains patients.
Leur utilisation doit toujours s’inscrire dans une approche globale, encadrée par un professionnel de santé, et associée à un suivi psychothérapeutique. Le recours aux médicaments se fait au cas par cas, selon l’âge du patient, la sévérité du trouble et les comorbidités.
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Livre : Troubles des conduites alimentaires de l’enfant et de l’adolescent, Noël Peretti, Anne Bargiacchi, Pedia, Elsevier Masson, 2017
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