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Mal-être : reconnaître les signes de dépression à l’adolescence

Mis à jour le 25 mai 2023 2 de nos experts

Adolescent : mal-être et dépression

Les fluctuations de l’humeur sont banales à cet âge : votre adolescent affiche un ennui profond, une attitude blasée et semble attendre sans y croire la survenue de quelque chose d’exaltant, tout en s’impatientant de l’absence d’intérêt de l’existence. En d’autres termes, certes plus radicaux, c’est ce qu’exprimait Charles Baudelaire : « Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage traversé ça et là par de brillants soleils. »

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Les signes révélateurs d’un mal-être chez l’adolescent

Vous ne reconnaissez plus votre adolescent :

  • Il ne vous écoute plus
  • Il n’est pas franchement aimable, le plus souvent irritable, s’emportant à la moindre occasion, rageur…
  • Il ronchonne à temps plein, répond agressivement à la moindre remarque ou suggestion de votre part, quand il n’est pas agressif
  • Rien ne trouve grâce à ses yeux : répond par onomatopée, ou vous oppose un mutisme boudeur ou exaspéré
  • Il joue avec vos nerfs, vous répond avec insolence ou de manière sarcastique
  • Il s’isole, se replie dans sa chambre devant les écrans
  • Il a comme perdu son élan, il connaît des moments de tristesse, voire de crise de larmes 
  • Il tient parfois des propos pessimistes et auto-dévalorisants

Son comportement est cependant très différent à l’extérieur :

Il prend plaisir à se rendre en classe, à retrouver ses copains pour des sorties ou la pratique de son sport favori. Alors qu’il regarde d’un œil morose la télévision, l’appel d’un camarade suffit à le réanimer et rétablir son enthousiasme et son dynamisme. Il semble vous réserver sa mauvaise humeur. Cette mise en question des valeurs des adultes, la distance prise à votre égard traduit précisément la mise en œuvre des remaniements psychologiques appelés par les transformations pubertaires.

Votre inquiétude est plus légitime et la question d’une dépression peut se poser

Votre adolescent est en fléchissement scolaire, reste reclus à la maison, ne répond plus à l’ appel de ses amis, ne fréquente plus son club de sport, refuse de sortir avec ses copains…

La dépression peine à être reconnue chez l’adolescent car la présentation n’est pas celle que l’on connaît chez l’adulte ou dominent ralentissement psychomoteur, abattement, désintérêt, fatigabilité, auto-dépréciation, culpabilité, pensées récurrentes de mort…

Chez l’adolescent, le ralentissement fait plutôt place à une irritabilité, et à l’inverse de l’adulte il ne se plaint pas car :

  • il a du mal à repérer ses émotions, à les nommer, il est comme « dans un brouillard interne »
  • il peut difficilement se résoudre face à la nécessité ressentie d’affirmer son indépendance de s’en remettre à autrui, de reconnaître sa vulnérabilité…

Pour évaluer le niveau de dépression, des échelles fiables et validées existent (la plus classique : ADRS). Selon le score observé, deux formes ont été isolées : la sub-déprime et la dépression avérée

Quelques chiffres…

8 % des adolescents vivent un épisode dépressif avéré (l’incidence est deux fois plus élevée pour les filles). L’incidence d’une tentative de suicide (TS) est évaluée dans la population générale adolescente à respectivement 3.7 % et 6.8 % pour les garçons et les filles, ces chiffres passant à 27 % et 36 % pour respectivement, les garçons et les filles présentant un état dépressif avéré.

La fréquence des idéations suicidaires, chez l’adolescent ( 7.5 % pour le garçon et 13.3 % pour la fille), est connue sans que pour autant il y ait passage à l’ acte : appréhender la différence entre l’adolescent qui peut jouer psychiquement avec l’idée de mettre fin à sa vie et celui qui est accablé par la souffrance et qui n’entrevoie pas d’autre issue pour y mettre fin.

Ainsi poser la question d’idée suicidaire est important dans le contact avec l’adolescent dépressif : lui donner à penser que vous pouvez penser qu’il y pense contribue à nouer un dialogue précieux. Au passage, redisons qu’évoquer avec lui une idéation suicidaire n’a jamais donné de telles idées à l’adolescent qui n’en avait pas…

Simple déprime (Sub-déprime, ou menace dépressive)

  • Quelques conduites à risque pour se mettre à l’épreuve : « pour bien vivre il faut prendre des risques sans les calculer »,
  • Recherche du maximum de sensations multiples pour tromper l’ennui,
  • Conduites d’évitement, refus de discussion, fuite dans des jeux vidéo ou des séries pour ne pas penser,
  • Intolérance aux remarques, aux conseils, aux mises en garde à fortiori de parents qui sont loin d’offrir des modèles de conduite ou qui se montrent à l’inverse trop exemplaires,
  • Morosité, perte de confiance en soi, mise en doute de la capacité de l’adulte à lui fournir de l’aide. Et pourtant les plaintes somatiques, les appréhensions anxieuses, les accès de pleurs, les sentiments d’infériorité sont adressés aux parents dont les réponses peuvent être déterminantes pour déjouer ou aggraver cette menace dépressive,
  • Vit sa scolarité comme stressante.

Episode dépressif avéré

Du côté des émotions

  • Humeur triste, abattement, anxiété envahissante
  • Alternant avec une irritabilité durable, des réactions agressives disproportionnées et fréquentes,
  • Des insultes, des manifestations de colère prenant la forme d’accès de rage destructrice

Du côté de la perception de son état

  • L’adolescent peine à exprimer ses ressentis
  • Propos pessimistes, « no future », auto dévalorisation, sentiment de culpabilité, honte de soi
  • Indécision, impression de temps suspendu
  • Perception modifiée de son corps
  • Idées noires durables, idée suicidaire lancinante,
  • Velléités suicidaires, gestes auto-vulnérants

Du côté de l’expression dans son corps

  • Sensation de malaise, impression d’étouffer, de  manquer d’air,
  • Le cœur qui bat, tachycardie, oppression thoracique
  • Asthénie, fatigabilité, faiblesses musculaires
  • Sensation de vide ou de trop plein dans la tête   
  • Alimentation anarchique, inappétence, grignotage
  • Endormissement retardé, inversion du rythme du sommeil, cauchemars,   réveils nocturnes fréquents
  • Négligence dans la toilette, l’habillement

Du côté de l’expression au plan social et relationnel

  • Désinvestissement scolaire, difficulté à se concentrer… fléchissement scolaire
  • Repli relationnel
  • Arrêt des activités dans lesquelles l’adolescent trouvait du plaisir, ou à l’inverse hyper investissement (souvent instable) dans de nouvelles activités plutôt solitaires
  • Isolement & évitement des pairs
  • Conduites à risque, comportement antisocial, agitation
  • Prise de produits psychoactifs : alcool, cannabis…

L’entourage voit avec inquiétude l’instauration d’un cercle vicieux : les conséquences de la dépression (isolement, désinvestissement des activités valorisantes) ont pour effet d’aggraver la dépression.

Le tableau ci-dessous, extrait de l’enquête « portraits d’adolescents » décrit les réactions mises en place par l’adolescent face à cet état dépressif  : remarquons que plusieurs des items cités en premier procèdent d’un registre positif…

que faire quand vie vaut pas peine être vécue

Tableau extrait de l’enquête « portraits d’adolescents »

Qu’est-ce qui se joue dans ces moments dépressifs ? Quel sens ?

L’éloignement d’une personne admirée, la perte d’une relation gratifiante, ou de l’appui silencieux d’un groupe d’appartenance, la rupture d’un retour positif dans la reconnaissance de ses compétences, sont autant d’épreuves risquant de priver l’adolescent de sources de valorisation à un moment où il en a le plus besoin.

  • Un infléchissement des résultats scolaires stigmatisé par les enseignants et l’entourage, un éloignement d’un proche vécu comme un abandon, la rupture d’un lien amical ou amoureux, la mise à l’écart voire le rejet par les camarades, les moqueries ou le harcèlement dont l’adolescent peut faire l’objet risquent de saper son estime de soi.
  • La prise de conscience d’une dépendance trop forte à l’égard des parents, le sentiment de ne pas être prêt à affronter le jeu du désir et de la rivalité, les réactions induites dans le groupe de pairs par un surpoids, une imperfection physique, un bégaiement, une maladresse, a fortiori un handicap confrontent douloureusement l’adolescent à sa différence, et accentuent son sentiment de vulnérabilité, voire d’infériorité, qui à cet âge ne peut plus être atténué par les seuls témoignages d’affection des proches.

Le repli dépressif constituerait une capitulation face à l’expérience de souffrance, s’opposant aux manifestations de protestations ou de colère qu’elle appelle banalement, du moins dans un premier temps.

Ce retrait protecteur, aboutissement d’un constat d’impuissance, et d’un mouvement de résignation traduirait l’impossibilité pour l’adolescent de remédier au décalage ressenti entre un vécu pénible actuel et un état antérieur de bien-être.

La concentration douloureuse sur des représentations, voire des sensations nostalgiques pourrait définir la réponse dépressive.

Et pour nous, parents, quelle attitude ? Comment réagir ?

L’essentiel pour les parents est de repérer la souffrance dépressive de l’adolescent derrière les manifestations mises en acte, les provocations et les conduites à risque qui sont au premier plan.

Les réactions outragées, l’escalade de mises en garde, de reproches, de condamnations et de rejet, loin de susciter « une reprise en main » salutaire, ne viennent qu’accentuer le profond sentiment de honte et de non-valeur personnelle, et activer l’idée qu’il vaudrait mieux pour tous qu’un être aussi insatisfaisant et malfaisant disparaisse.

Il importe pareillement que les parents acceptent l’idée du recours à un tiers, c’est-à-dire à un professionnel du champ sanitaire, seul en mesure de faire le point dans une situation où la souffrance des uns et des autres est particulièrement intriquée.

Il arrive fréquemment que la proposition de consultation spécialisée se heurte au refus de l’adolescent, affirmant contre toute évidence qu’il n’a besoin de rien ni de personne, ou qui se désespère à l’idée d’être considéré comme un malade mental. Il ne saurait d’emblée formuler une demande de soins en bonne et due forme, c’est à dire reconnaître sa propre insuffisance à remédier à son malaise actuel et la nécessité de s’en remettre à un autre supposé mieux placé pour comprendre ce qu’il en est pour lui. En conséquence, les parents doivent bien relayer cette demande en faisant valoir leur propre incapacité à aider leur adolescent en souffrance.

Le travail psychothérapique dans lequel l’adolescent sera invité à s’engager, quelles qu’en soient les modalités aura plus de chance d’aboutir si les parents sont impliqués et sont amenés au besoin à prendre en compte la possible résonnance de leur propre vécu et mettre en question certaines de leurs attentes implicites ou certaines de leurs exigences. De fait, à l’issue de son épisode dépressif, un adolescent sera souvent amené à rompre avec l’image idéalisée dont il était porteur pour suivre ses propres aspirations.

Dans la majorité des cas, l’épisode dépressif de l’adolescent restera sans lendemain. Il ne s’inscrit que bien rarement dans le cadre d’un trouble cyclique de l’humeur.

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  • Site internet ESCAPAD
  • C Jousselme Portraits d’ Adolescents . INSERM 2013
  • HAS recommandations  2014 Manifestations dépressives à l’ adolescence
  • O Revol J’ai un ado …mais je me soigne . page 173 -180 Ed J’ai lu 2010
  • Médecine et santé de l’ Adolescent : pour une approche globale et interdisciplinaire  Elsevier 2019 Chapitre 36 , 34 , 44  et 47 .
  • Braconnier A, Marcelli D. L’Adolescence aux mille visages. Odile Jacob 1998

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