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A 12 mois, faut-il véritablement privilégier le lait de croissance au lait de vache entier ?

il y a 4 ans

Bonjour,

Je commence à sevrer ma fille de 12 mois tout pile. Elle n’a jamais eu d’autre lait que mon lait, et est par ailleurs bien diversifiée.
Après m’être renseignée sur votre site, sur celui de l’OMS, sur celui de l’EFSA (European Food Safety Authority), sur celui du Collège National des Généralistes Enseignants, ainsi que sur de nombreux autres sites, je n’arrive pas à décider si oui ou non je dois donner du lait de croissance à ma fille.

En effet, les recommandations sont très divergentes, bien que l’OMS, l’EFSA et le CNGE semblent ne pas aller dans le sens de donner du lait de croissance, sauf cas particulier. Sur votre site, j’ai trouvé des recommandations contraires.

Dans les arguments « pour le lait de croissance » :
– La chose qui m’interpelle est la mise en avant des apports en fer qui sont fournis en quantité suffisante par le lait de croissance, mais pas par le lait entier traditionnel. Or, il me semble que le taux de fer dans le lait maternel est assez bas (sans doute même plus bas que dans le lait de vache traditionnel) du coup, si l’on suit cet argument, cela voudrait dire qu’il faudrait supplémenter en fer les enfants toujours allaités après 10 mois (âge à partir du quel est recommandé le lait de croissance) pour arriver à une apport journalier qui serait similaire à un enfant avec du lait de croissance?
– J’ai également cru comprendre que les apports en sels, sels minéraux et protéines, seraient trop élevés dans le lait de vache entier. Tandis que les apports en zinc, vitamines et acides gras essentiels ne seraient pas assez élevés dans le lait de vache entier mais le seraient dans le lait de croissance.

Du coup je suis perdue et j’ai du mal à décider quoi donner à ma fille, quand je vois qu’il n’y a pas de consensus, ni médical ni scientifique, sur le sujet…
Je penche pour le lait de vache entier, mais je voudrais avoir votre avis d’expert sur le sujet !
Sachant que les apports laitiers quotidiens de ma fille sont actuellement d’environ 20 grammes de fromage et 1 petit suisse par jour. Ce sont des laitages traditionnels, pas infantiles.

Merci par avance pour votre aide !

La réponse de notre expert

BOCQUET Alain, Dr
 Dr Alain BOCQUET

Bonjour Madame,

Votre fille a beaucoup de chance d’avoir été allaitée par sa maman pendant une année.

L’OMS et l’EFSA ne font pas une recommandation du lait de croissance car ce type de lait n’existe pas encore dans de nombreux pays, même en Europe (on ne peut pas recommander pour tous les pays un produit qui n’existe que dans certains pays).

L’EFSA n’est pas contre le lait de croissance mais dit que le lait de croissance n’est pas utile si l’enfant a une alimentation équilibrée, or peu de nourrissons ont une alimentation réellement équilibrée. De plus, dans les pays du Nord de l’Europe, les bébés reçoivent de nombreux compléments alimentaires (fer, vitamines, etc.) en plus de leur lait, alors qu’en Europe du Sud (pays où l’on trouve le plus de laits de croissance), on préfère que les vitamines et minéraux soient mis dans le lait et non donnés en complément du lait. La publication du collège national des généralistes enseignants contre l’utilité des laits de croissance est ancienne et il faut remarquer qu’il n’y a pas de spécialistes en nutrition dans ce collège (qui aime bien s’opposer par principe aux pédiatres, et refuse que des pédiatres viennent faire de l’enseignement aux futurs médecins généralistes dans de nombreuses universités françaises…).

A propos du fer, il faut savoir que le fer apporté par le lait maternel est très bien absorbé (35 à 70%) contrairement au fer apporté par le lait de vache (5 à 10%). En raison de cette faible absorption dans le lait de vache, les laits 2e âge et de croissance sont supplémentés avec 20 à 30 fois plus de fer puisqu’ils sont fabriqués à partir de lait de vache. D’autre part le bébé n’a pas besoin de fer pendant les 4 à 6 premiers mois car il naît avec un stock de fer suffisant pour couvrir cette période, fourni par sa mère pendant le 3e trimestre de la grossesse. Cependant les quantités apportées par le lait maternel sont insuffisantes après 6 mois, et si l’allaitement maternel est poursuivi sans diversification alimentaire au delà de 6 mois, une carence en fer va s’installer avec des conséquences irréversibles sur le développement intellectuel, une baisse d’immunité et une anémie.

Le lait de vache est destiné aux veaux qui fabriquent très rapidement beaucoup de muscle (ils ont donc besoin de 3 fois plus de protéines) et peu de matière cérébrale, à l’inverse des bébés (ils ont besoin de moins d’acides gras essentiels). Les besoins en sel, vitamines, zinc, etc. sont différents. Les reins d’un bébé sont immatures et sont fatigués inutilement par un excès de protéines et de sel.  De plus, les excès de protéines chez les bébés sont responsables d’excès de poids ultérieur… Les jeunes français entre 1 et 3 ans reçoivent 4 fois plus de protéines que cela est recommandé. Ce n’est donc pas pertinent de donner du lait de vache qui en contient 3 fois plus que le lait de croissance !

En France, où nous disposons de nombreux laits de croissance, il n’y a plus de discussions dans les milieux scientifiques spécialisés en nutrition pédiatrique : un consensus existe pour proposer ces laits jusqu’à 3 ans, et même au delà. Ces dernières années, différentes études ont démontré le grand intérêt des laits de croissance. L’étude d’Akkermans en Allemagne, Angleterre et Pays-Bas (JPGN 2016 (62);4:635-42) montre que les enfants qui reçoivent du lait de vache au lieu du lait de croissance sont beaucoup plus souvent carencés en fer avec anémie : 19,7% au lieu de 5,4%. L’étude CARMA, en France, (à paraître dans Clinical nutrition en 2020) montre que les enfants qui reçoivent du lait de croissance ont un risque très faible de carence en fer : 6,7%. L’étude Nutribébé (European Journal of Nutrition https://doi.org/10.1007/s00394-019-02093-3) montre que les insuffisances et excès d’apport en différents nutriments sont largement corrigés par la consommation de lait de croissance. Etc.

La différence de prix entre le lait de croissance et le lait de vache entier (souvent mis en avant comme inconvénient du lait de croissance) n’est que de 30 à 50 centimes par jour pour 350ml ! Quand on réalise les bénéfices santé du lait de croissance, « il n’y a pas photo » si j’ose dire.

Si vous donnez environ 350 ml de lait de croissance par jour, vous pouvez compléter par 20g de fromage et 1 ou 2 laitages par jour, pour atteindre les 500ml quotidiens de lait ou équivalents laitiers recommandés (sans dépasser 800 ml/jour). Les laitages peuvent être des laitages courants à partir de 1 an mais si vous voulez faire encore mieux pour votre bébé vous pouvez faire des yaourts à la maison, à partir de lait de croissance.

Pour choisir un lait de croissance il est préférable de privilégier un lait contenant moins de 1,65 g/100 ml de protéines, plus de 1,1 mg/100 ml de fer, moins de 32 mg/100 ml de sodium (sel), plus de 2,8 mg/100 ml de lipides totaux, et éventuellement « bio ». Ainsi par ordre alphabétique : Babybio Optima 3, Babybio Primea 3, Capricare 3, Célia 3, Gallia Calisma Croissance 3, Gallia Calisma Croissance Bio 3, Les Récoltes Bio 3, Modilac Bio 3.