Partager

Maternités : ce que peut changer la proposition de loi adoptée à l’Assemblée nationale le 15 mai 2025

Actualité : proposition de loi adoptée à l’Assemblée nationale le 15 mai 2025 au sujet des maternités en France
crédit : AdobeStock_1515765213

Adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 15 mai 2025, la proposition de loi « Lutter contre la mortalité infantile » instaure un moratoire de 3 ans sur les fermetures de maternités en France. Portée par le groupe parlementaire LIOT dans le cadre d’une initiative législative, cette mesure vise à préserver les petites maternités, notamment dans les zones rurales. Proposée pour lutter contre la hausse inquiétante de la mortalité infantile en France, cette loi fait débat chez les professionnels de santé, qui alertent sur d’autres priorités pour améliorer la sécurité autour de la naissance.

Un contexte préoccupant : la mortalité infantile en hausse en France

Depuis 2012, la mortalité infantile progresse en France, atteignant 4,1 ‰ en 2024 selon l’Insee. Cela représente 2 700 décès d’enfants avant leur premier anniversaire, dont la majorité surviennent dans le premier mois de vie. Ce sont 1200 décès par excès d’enfants de moins de 1 an dans notre pays, en comparaison à d’autres pays européens à économie similaire, tels que la Suède et la Finlande.

Ces chiffres placent la France au 23e rang des 27 pays de l’Union européenne en matière de mortalité infantile. Cette évolution suscite une vive inquiétude dans le monde médical, mais aussi chez les familles.

Que prévoit la proposition de loi ?

Le texte prévoit un moratoire de trois ans sur les fermetures de maternités, qu’elles soient publiques ou privées, sauf en cas de mise en danger avérée de la sécurité des patientes.

Il s’accompagne de plusieurs mesures complémentaires :

  • la création d’un registre national des naissances et décès néonatals, pour mieux comprendre les causes de la mortalité infantile ;
  • la généralisation des formations continues aux gestes d’urgence obstétricale et aux bonnes pratiques en matière de transfert périnatal ;
  • un état des lieux, confié aux Agences régionales de santé (ARS), des maternités réalisant moins de 1 000 accouchements par an, afin d’orienter les futures décisions.

Ce que disent les professionnels

Pour les sociétés savantes et les syndicats :

  • Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français, dans un communiqué de presse du 19/05/2025[1]
  • Société Française de Néonatalogie (SFN) et Société Française de Médecine Périnatale (SFMP), rejoints par l’association SOS Préma dans une tribune du 26/05/2025[2],
  • Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHARE), Syndicat des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof), Syndicat national des pédiatres des établissements hospitaliers (SNPEH), Samu-Urgences de France (SUdF), ainsi qu’Action Praticiens Hôpital (APH), dans une tribune du 02/06/2025[3],

le moratoire n’est pas une réponse adaptée. Selon eux, aucune donnée ne démontre un lien direct entre la distance à la maternité et la mortalité infantile.

L’excès de mortalité infantile en France concerne les décès survenant entre un et vingt-sept jours de vie. Ces bébés ne meurent pas faute de maternité proche du domicile, mais en raison de la saturation des soins critiques néonatals.

Ce qui compte pour la sécurité des patients, rappellent les spécialistes de la naissance, c’est la capacité des équipes à réagir efficacement en cas de complication. Cela suppose :

  • une équipe stable et formée, incluant obstétricien, pédiatre, sage-femme, anesthésiste… ;
  • la présence d’un service de néonatalogie, encore absent dans 40 % des maternités françaises ;
  • des formations régulières à la réanimation néonatale en salle d’accouchement ;
  • une organisation territoriale cohérente, avec des maternités bien équipées, même si plus éloignées.

Pour les parents, que faut-il retenir ?

Ce débat peut légitimement susciter des interrogations. Faut-il s’inquiéter d’accoucher dans une petite maternité ? Pas forcément. Ce qui fait la sécurité, ce n’est pas uniquement la taille de la structure, mais la présence d’une équipe médicale stable, compétente et bien coordonnée.

Aujourd’hui, certaines petites maternités fonctionnent principalement grâce à des médecins intérimaires, ce qui rend difficile la continuité des soins. D’autres sont bien organisées, avec des professionnels engagés sur le long terme. En cas de doute, n’hésitez pas à en parler avec votre médecin ou la sage-femme et l’obstétricien qui vous accompagnent.

Vers une réforme plus globale ?

Au-delà de ce moratoire, les experts plaident depuis plusieurs années déjà, pour une réorganisation ambitieuse des soins périnatals, à l’image de ce qui a été mis en place dans des pays comme la Suède ou la Finlande. Ils demandent que soient enfin actualisés les décrets encadrant les activités d’obstétrique et de néonatalogie qui datent de 1998. Le maintien de toutes les maternités, sans prise en compte de la qualité des soins, ne suffira pas à garantir la sécurité des naissances.

 

L’enjeu est d’assurer à chaque nouveau-né une prise en charge de qualité, coordonnée et sécurisée sur tout le territoire. La priorité, estiment les professionnels, est une réforme ambitieuse de l’organisation des soins critiques néonatals.

[1] Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF), communiqué de presse : Le Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français est très inquiet du moratoire sur les fermetures de maternité voté le 15 mai à l’Assemblée Nationale – 19/05/2025
https://cngof.fr/app/pdf/Medias//Communiqu%C3%A9s%20de%20Presse/25-05-19-Communique%CC%81%20CNGOF-Colombani.pdf?x98250

[2] Le Monde – Tribune, « En votant un moratoire sur les fermetures des petites maternités pour lutter contre la mortalité infantile, les députés se trompent de combat » – 26/05/2025
https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/05/26/en-votant-un-moratoire-sur-les-fermetures-des-petites-maternites-pour-lutter-contre-la-mortalite-infantile-les-deputes-se-trompent-de-combat_6608650_3232.html

[3] Dépêche APMnews – Sociétés savantes et syndicats médicaux clament leur opposition au moratoire sur les fermetures de maternités – 02/06/2025
https://www.sfmu.org/fr/actualites/actualites-de-l-urgences/societes-savantes-et-syndicats-medicaux-clament-leur-opposition-au-moratoire-sur-les-fermetures-de-maternites/new_id/70479

Le Monde – « Maternités : les médecins réfutent le lien entre hausse de la mortalité infantile en France et fermetures des petites structures » – 23/05/2025
https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/05/23/maternites-les-medecins-refutent-le-lien-entre-hausse-de-la-mortalite-infantile-et-fermetures-des-petites-structures_6607953_3224.html

Le Monde – “Un moratoire sur les fermetures de maternité voté à l’Assemblée alors que la mortalité infantile augmente en France » – 16/05/2025
https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/05/16/mortalite-infantile-l-assemblee-nationale-vote-un-moratoire-sur-les-fermetures-de-maternite_6606288_3224.html

LCP – “ Fermetures de maternités : les députés votent en faveur d’un moratoire de trois ans ” – 16/05/2025
https://lcp.fr/actualites/fermetures-de-maternites-les-deputes-votent-en-faveur-d-un-moratoire-de-trois-ans-371957

Inserm – communiqué de presse : Augmentation significative de la mortalité infantile en France – 01/03/2022
https://presse.inserm.fr/augmentation-significative-de-la-mortalite-infantile-en-france/44892/

Note :
Les liens hypertextes menant vers d’autres sites ne sont pas mis à jour de façon continue. Il est donc possible qu’un lien devienne introuvable. Dans un tel cas, utilisez les outils de recherche pour retrouver l’information désirée.