Mis à jour le 24 octobre 2022 Dr Anne MAHE GUIBERT
Après une première sélection sur la mort en général, voici la suite. Le deuil de ses aïeuls est certainement celui le plus fréquemment et le plus précocement traversé par les enfants. Aussi j’ai trouvé de nombreux albums qui ont le plus souvent en commun d’être riches d’émotion, de délicatesse, de tendresse et de poésie. En filigrane du thème principal du deuil ces albums abordent aussi les thèmes du vieillissement, de la maladie, de la complicité intergénérationnelle, de la transmission, du souvenir. Ils sont un témoignage heureux sur la richesse du lien qui peut unir des enfants et leurs aïeuls.
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Grand-mère
- La maman de la maman de mon papa, Gaétan Dorémus, Les fourmis rouges
Le 4° âge à travers les yeux d’un enfant. Le dialogue est savoureux entre cet enfant pétillant qui a réponse à tout et ces adultes qui hésitent à accéder à son souhait de rendre visite à cette aïeule si diminuée. Le décalage entre le regard des adultes et celui de l’enfant sur le très grand âge et sur la mort est à la fois pertinent et un tantinet irrévérencieux, il confère à ce texte très subtil une touche de légèreté. Les illustrations de Gaétan Dorémus sont des dessins dont la mise en page s’approche parfois de la bande dessinée, elles sont pleines de vie.
- Là où Mamie est partie, Arnaud Alméras, Robin, Amaterra
Un joli texte fait des questions d’une petite fille sur son arrière grand-mère qui vient de mourir : que fait elle là où elle est partie ? A travers les interrogations pleines de vie et de malice de cette enfant on retrace la vie de son arrière grand-mère, et avec elle on s’interroge sans détours sur la mort mais aussi sur la vie. Il y a beaucoup de poésie et de tendresse dans ce texte. Les dessins qui illustrent cet album évoquent le style de Sempé, ils ont un trait léger et ne sont pas dénués d’humour.
- Au revoir, Adélaïde, Geneviève Casterman, Ecole des loisirs
Maturin écrit à Adélaïde, et il retrace leur vie, leur histoire d’amour, la construction de leur famille, les enfants envolés aux quatre coins du monde, puis la vieillesse, la maladie et le décrochage d’Adélaïde…déjà un peu partie avant de mourir. Maturin parle de sa colère, de son incompréhension et de son intolérance face à la maladie de son épouse, il parle aussi de sa culpabilité, de ses regrets. Très touchant. Illustration pastels très douces.
- La caresse du papillon, Christian Voltz, Rouergue
Un grand-père et son petit-fils jardinent ensemble. Le grand-père évoque brièvement le souvenir de la grand-mère décédée, puis il énonce des conseils de jardinage à son petit-fils, qui à son tour questionne innocemment « dis Papapa elle est où Mamama ? », et d’arrosage en plantations, de radis en cerisier ils redonnent vie par la pensée à cette grand-mère disparue. Les personnages de Christian Voltz sont faits de fils de fer et de morceaux de bois, ils ont une profonde humanité, ils évoluent dans une unité de lieux comme au théâtre, leurs dialogues sont à la fois légers et profonds, concrets et philosophiques. Du grand art.
- Mon miel ma douceur, Michel Piquemal ,Elodie Nouhen, Didier Jeunesse
Un texte magnifique qui raconte le lien tissé entre une grand-mère, Zohra, et sa petite fille, Khadija, vivant chacune d’un côté de la méditerranée. Leurs retrouvailles aux vacances sont riches d’émotions et de complicité. Tous les sens de l’enfant sont sollicités par cette grand-mère aimante qui nourrit sa petite fille de pâtisseries, de soleil et d’histoires, dans cette langue étrange que l’enfant ne comprend qu’à moitié. Mais un jour d’hiver, la terrible nouvelle de la mort de Zohra va terrasser l’enfant qui partagera son intense chagrin avec sa maman. Et Zohra, même après sa mort, va aider Khadija à se relever. Il y une infinie tendresse dans cet album qui parle de deuil mais aussi de complicité intergénérationnelle, de transmission, d’exil, d’amour et de gourmandise. Les illustrations d’Elodie Nouen, un brin abstraites, usant de toutes les nuances du bleu, sont très composées et peuvent évoquer des tableaux de Chagall.
- Le châle de grand-mère, Asa Lind, Joanna Hellgren, Cambourakis
Deux petites cousines très complices débordantes de vie et d’imagination jouent ensemble pendant que leur grand-mère s’éteint doucement dans son lit. Les adultes autour d’elles les somment de se faire plus discrètes mais lorsqu’elles iront se refugier sous le lit de la grand-mère pour « réfléchir», cette dernière prendra leur défense et demandera à leurs parents de les laisser auprès d’elle. Toutes les trois partageront un moment précieux. Le texte est inscrit dans des illustrations qui utilisent le plus souvent la double page et donne au lecteur l’impression d’être inclus dans les jeux des enfants.
- Le kimono blanc Dominique Kopp Pierre Mornet Gauthier Languereau
Un album rare et original qui nous emmène au Japon sur les pentes du mont Fujisan. Un récit qui fait référence à cette légende japonaise qui laisse entendre que les anciens quittent les leurs pour mourir loin d’eux quand ils sentent leur heure approcher. Un texte pudique qui parle de nature, de vieillesse et de transmission. Les illustrations d’une grande finesse qui s’épanouissent sur la double page sont autant de tableaux qui immergent le lecteur dans la culture japonaise.
- Et après, Malika Doray, Didier Jeunesse
L’histoire du deuil d’un aïeul : on accompagne l’enfant de l’avant à l’après, de ses mercredis complices avec sa grand-mère, à l’hôpital puis au cimetière, de sa douleur de l’absence à sa capacité à se souvenir. Cet album tendre et doux est très organisé : le texte, une ou deux phrases, inscrites sur la page de gauche, l’image à droite toujours inscrite dans un cadre, en noir et blanc, avec une seule touche de couleur ; tout est très contenant. Très adapté aux tout-petits.
Grand-père
- Les sentiers perdus, Stéphanie Demasse-Potier, Mathilde Poncet, Helium
Une petite fille s’adresse à son grand-père défunt. Elle est sur les traces de leurs promenades communes, en pleine nature et se souvient ainsi de tout ce qu’ils ont partagé. C’est un texte sur le souvenir, riche de poésie, de sérénité. Les illustrations nous immergent dans une nature épanouie, elles utilisent la double page et sont peuplées d’animaux bienveillants qui soutiennent notre jeune héroïne.
- Mon grand père, Christine Schneider, Gilles Rapaport, Seuil
Un texte audacieux, voire un brin irrévérencieux, qui dépeint la vieillesse et la transformation du corps à travers le regard sans filtre d’un petit fils plein de spontanéité, d’humour et de bienveillance pour son grand-père qu’il aime sans réserve. Et ce dernier le lui rend bien. La chute, un peu attendue, est évoquée avec délicatesse et tendresse. Les illustrations ajustent leur cadrage sur des gros plans successifs de ce grand –père à la mine réjouie et aux imperfections bien assumées. C’est un album assez original.
- J’ai laissé mon âme au vent, Roxane Marie Galliez, Eric Puybarre, La Martinière
Cet album met en image un poème d’une immense délicatesse et d’une infinie tendresse. Par courtes strophes un grand-père défunt s’adresse à son petit fils. Il lui parle du vide de l’absence et de la richesse du souvenir, de l’immatérialité de l’âme et du ressenti des émotions, de la tristesse de la séparation et du plaisir de la gourmandise. Les images s’épanouissent sur la double page et nous plongent dans un monde onirique empreint d’une grande sérénité. Une belle réussite.
- Le grand père de petit ours, Nigel Gray, Vanessa Cabban, Gründ
Où il est question de transmission et de prise de relais, de témoignage sur la vie d’antan et d’émerveillement sur la beauté du présent. La complicité de petit Ours et de son grand-père fait plaisir à voir, et l’on partage avec bonheur leurs moments ritualisés, tout en haut de l’arbre, dans leur cabane perchée. La bienveillance du grand-père et son investissement pour asseoir la confiance de son petit-fils trouveront une touchante réponse dans le récit que lui fera à son tour petit ours quand grand père sera trop fatigué pour continuer à raconter le passé. Les personnages sont touchants de tendresse et d’humanité.
- Paradis, Bruno Gibert, Autrement
Entièrement illustré de pictogrammes cet album très original, très sobre et très subtil est le monologue d’un enfant qui s’adresse à son grand-père défunt. Tout est à hauteur d’enfant avec une authenticité et une créativité savoureuses, fidèles à la spontanéité propre à cette tranche d’âge. Bruno Gibert est un auteur illustrateur brillant et accompli qu’aucun sujet ne désarme.
- Peut-être ?, Michelle Daufresne, Bilboquet
Un livre très sobre tant dans le texte que dans les illustrations : en une seule phrase on suit le déroulement d’une journée d’enfant au bord de la mer, puis vient la question « tu crois que grand-père nous regarde ? » Vous devinez la réponse … Des collages sur un fond de sable pour représenter la plage, un château par-ci une pelle par-là. Une grande économie de moyen pour soutenir la pudeur et la délicatesse.
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