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Violences à l’école : la sélection de livres du Dr Mahé Guibert

Mis à jour le 28 octobre 2020 Dr Anne MAHE GUIBERT

Lili Harcelee Ecole Livres Violences

Il existe quelques albums pour les plus jeunes qui parlent plus de disputes, de rapport de force voire de domination ou de moqueries ou encore de méchanceté que de véritable harcèlement. Cependant, réfléchir dès le plus jeune âge sur le vivre ensemble, sur les subtilités des liens entre pairs est probablement un outil non négligeable de prévention des violences en milieu scolaire. J’ai également retenu des romans jeunesse et des romans pour ados car je pense que les enfants de la fin du primaire et du collège sont les plus concernés. Les textes proposés sont d’une grande diversité: il y a une bande dessinée, un texte d’auteur classique, une pièce de théâtre, des romans… Ceux pour les plus grands sont souvent très réalistes et, de fait, douloureux et cruels… ils ont le mérite d’aborder ce thème sans détour. Cependant je n’ai gardé que ceux qui me paraissaient de bonne qualité littéraire, car je pense que, lorsque l’écriture est exigeante, la réflexion est plus nourrie.

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Sommaire de l'article

Les albums

  • Patapé à la récré Pierrick Bisinski Alex Sanders Ecole des Loisirs, 2015

Un album très simple et très drôle qui retrace avec humour l’engrenage de la bagarre générale. Le jeu sur le langage autour des deux syllabes « pata » contribue à la réussite et à l’efficacité de ce texte accessible dès le plus jeune âge.

  • Le plus fort, Corinne Dreyfus, Maud Legrand, Actes sud juniors, 2009

Une cour de récréation dominée par Tom qui n’a peur de rien ni de personne et qui s’est vite imposé comme étant le chef, avec tout ce que cela engendre chez ses camarades de soumission, de séduction, de compétition, d’exclusion … jusqu’à ce que… la solidarité entre exclus s’organise. C’est à la fois très simple et très réaliste tant pour le texte que pour les illustrations, je dirais même faussement naïf, et cela en augmente la portée philosophique. Accessible dès la maternelle.

  • P’tit nez de cochon Pog et Annette Boisnard, Les p’tits braques, 2015

Un texte bref, tout en rimes, sur les petits défauts physiques sources de moquerie, de souffrance et d’exclusion. Mais la chute optimiste, le ton humoristique et les illustrations drôles et colorées confèrent cependant une certaine légèreté à cet album.

Petit crabe est méchant, Emmanuelle Gryson, Totort, Points de suspension, 2008

« Quand je serai grand, je serai le plus méchant ! C’est ce que dit petit crabe. Il est tout petit, il a des pinces rikiki mais à chaque fois que quelqu’un passe à côté de lui, ziq, ziq, ziq il le pince » Et ziq petit crabe pince la pieuvre, l’oursin, la méduse… comme ça pour rien… mais pincera bien qui pincera le dernier…

  • Sinon…! Alice Bassié, Sylvain Diez, Ecole des Loisirs 2010

Un petit récit plein d’humour sur la peur, la soumission et l’audace de résister. D’aucuns pourraient faire le reproche à cet album d’être un peu sexiste car le seul personnage qui résiste est masculin quand toutes celles qui ont capitulé étaient des femmes. Mais restons simples et savourons la chute bien drôle de cette histoire.

  • C’est moi le plus fort, Mario Ramos, Pastel, 2001

Un des titres les plus célèbres de Mario Ramos auteur illustrateur au talent inimitable. Un loup se promène dans la forêt et rencontre tour à tour le petit chaperon rouge, les trois petits cochons… A chaque rencontre il s’assure de sa domination par la peur et s’en réjouit… jusqu’à la rencontre d’un petit monstre qui très sereinement lui fait l’affront de ne pas trembler devant lui … et pour cause… la chute est jubilatoire. Les clins d’œil aux contes de Perrault et la grande qualité littéraire du texte décuplent le plaisir de ce bel album débordant d’humour.

  • La lapindicite, Christine Naumann-Villemin, 2014

C’est l’histoire d’Ignace, un mignon petit lapin, qui subit à chaque récréation la domination d’Hannibal, un grand de l’école, qui rackette son goûter. Ignace souffre de plus en plus et son mal être s’exprime par des douleurs abdominales qui alertent ses parents et vont le conduire chez le médecin. Petit à petit Ignace va redresser la tête et, avec l’aide implicite des adultes qui l’entourent, il apprendra à se défendre.

  • Rouge, Jan de Kinder, Didier Jeunesse, 2013

Une histoire de harcèlement dans une cour de récréation racontée par une enfant de l’école prise dans l’engrenage de la persécution d’un camarade un peu malgré elle. Il y a dans ce récit tous les protagonistes: la victime, l’agresseur et les suiveurs. L’arbitrage de l’adulte et la témérité de certains enfants permettront une résolution rapide du conflit. Les illustrations, à l’ambiance japonisante, où dominent le noir et le rouge sont très réussies. Elles soutiennent le texte et en décuplent la portée avec une grande pertinence.

  • Le papa de Simon, Maupassant, François Roca, 2014

Simon, le fils de la Blanchotte découvre à ses dépens la dure réalité de l’école et surtout la cruauté de ses pairs. Il est violemment moqué par ses camarades et devient rapidement le souffre-douleur du plus grand de la bande qui le stigmatise parce qu’il n’a pas de papa. Ce texte de Maupassant, très sensible et touchant, est d’une grande modernité, et d’une grande sensibilité. Les illustrations sublimes de Frédéric Rocca le mettent brillamment en valeur.

  • Lili est harcelée à l’école, Serge Bloch, Bayard, 2012

La série des Max et Lili, gentiment pédagogique, mais toujours plébiscitée par les enfants et leur parents. Lili est victime de trois péronnelles plus que perverses car elles la séduisent pour l’attirer dans leur bande afin de la persécuter par la suite. C’est un peu caricatural mais cela peut aider à amorcer un dialogue. Sur un thème voisin il y a aussi Max est racketté.

Les premiers romans

  • La bande à Tristan, Marie Aude Murail, Ecole des loisirs, 2010

Un récit bien mené du quotidien d’une cour d’école avec ses chefs, ses guéguerres, ses bandes. Tristan, notre héros, ne peut intégrer la bande à Jujube car il échoue à la deuxième épreuve. Il fonde alors avec des petits du CP une bande secrète, une bande différente. Ce récit témoigne plus des rivalités et des petits conflits entre élèves que de véritables violences scolaires.

  • Chien pourri à l’école, Colas Gutman, Marc Boutavant, Ecole des Loisirs, 2014

Notre héros, chien pourri, un vrai sac à puces, est admis dans la très célèbre Ecole Royal Clebs pour y apprendre à lire. Mais l’intégration parmi ses pairs n’est pas si facile. D’un niveau socio économique nettement plus élevé, tous lui font bien sentir qu’il n’est pas des leurs à grand renfort de mesquineries, de coup bas et de moqueries. La transposition du récit chez l’animal autorise l’humour et la légèreté mais les thèmes abordés sont bien ceux des violences, de la discrimination, et de l’exclusion. Cependant dans ce texte il est aussi question de solidarité, d’amitié, de fidélité, et ce rééquilibrage fait du bien.

  • Un ange à la récré, Anne Fine, Ecole des Loisirs, 1998

« Avant que l’ange n’arrive il y avait trois enfants malheureux à l’école de Nitshill Road: Penny, Mark et Marilou » : l’ange c’est Céleste, une petite fille à la langue bien pendue qui résiste aux persécuteurs des cours d’école et tient même un peu tête aux adultes surtout quand il s’agit de lui inculquer les mathématiques. Sous son impulsion les trois victimes préférées de Barry Hunter vont apprendre à se défendre… et même les adultes qui jusque là avaient feint de ne pas voir, vont se trouver face à leur responsabilités.

Pour les adolescents

  • Bouboule et Quatzieux, Philippe Gauthier, Ecole des loisirs, 2014

Une pièce de théâtre dont le décor est une poubelle container où se réfugient deux enfants persécutés par un troisième. Ces deux collégiens que tout oppose tissent une solidarité de victimes. L’un est un rondouillard, boulimique d’écrans et de sandwichs, l’autre est élancé, précoce et cultivé. Leurs niveaux de langage témoignent également de leurs différences. C’est à la fois léger et profond, drôle et grave.

  • M comme…,Yaël Hassan, Casterman junior, 2014

M comme Mylène, une collégienne de cinquième, fort sympathique qui se débrouille vaillamment pour assumer son quotidien. A son retour de vacances ses amies la mettent à l’écart, influencées par Mona, une nouvelle arrivée dans la cité. Grâce à Mamadou un grand de troisième, disciple de Martin Luther King, Mylène retrouve ses amies et s’engage au collège dans un projet de médiation pour prévenir la violence scolaire. C’est bien écrit et ça sonne juste.

  • L’enfer au collège, Arthur Thénor, Milan, 2013

Ce petit roman est dense, tendu et sans concession. Le premier chapitre nous présente Anthony, un collégien. Il s’entretient avec un adulte qui l’accompagne dans le récit détaillé des actes qui ont fait de lui un persécuteur violent, cruel et sans limites de Gaspard, le nouveau du collège. Le roman est construit sur l’alternance des points de vue d’Anthony et de Gaspard. La fin est probablement un peu trop optimiste mais le plus intéressant c’est l’analyse du cheminement de chacun des personnages.

  • Harcelement, Guy Jimenes, Oscar, 2011

Ce livre est le récit d’un harcèlement physique et psychologique, violent et douloureux. Il vise un élève d’une classe de collège, probablement un peu différent, pas dans le moule. La persécution est orchestrée par un autre élève de la classe brillant, hyperadapté et jouissant d’une popularité sans faille auprès de ses camarades comme des enseignants et de l’équipe éducative de l’établissement. Le récit est construit autour des témoignages successifs des protagonistes:élèves, acteurs ou complices passifs, enseignants, parents… La cruauté des faits, la longue impunité des persécuteurs et l’immense solitude de la victime confèrent à ce texte un caractère très réaliste et assez insupportable, mais quand même bien utile.

  • Signe distinctif roux, Anouk Bloch-Henry, Oskar, 2015

Un livre juste, sans fioriture, mais bien construit autour d’une crise amplifiée par les réseaux sociaux et qui aurait pu très mal se terminer. L’engrenage du harcèlement scolaire dans une classe de troisième où la rousseur d’un nouvel élève, moquée et stigmatisée par des attitudes et des propos de plus en plus blessants, est très bien décrit. Peinture tendre et cruelle à la fois d’un monde d’adolescents où les adultes ne sont guère présents et ne dialoguent pas avec les jeunes englués dans leurs problèmes.

  • Le silence de Nélio, Christine Palluy, Alice Jeunesse, 2010

Ce court roman rondement mené aborde le thème délicat du racket sans être pesant, ni démonstratif, tout en ménageant un certain suspense. Le récit est confié d’abord à Nélio, victime du chantage de ses agresseurs et enfermé dans le silence, mais aussi aux différents protagonistes, parents, sœur, copains …voire à l’un des racketteurs, et non sans humour, au chien de la famille. L’intérêt est soutenu par ces différents points de vue exprimés dans un style vivant et imagé, émaillé de termes familiers.

  • Ma réputation, Gaël Aymon, Actes Sud, 2013

Un texte fort sur le vécu d’une adolescente victime de harcèlement au lycée. Le ton est juste, authentique, pertinent. A l’origine de la marginalisation de Laura il y a cette amitié préférentielle pour une bande de garçons qui dégénère après que l’un d’eux ait essayé de l’embrasser. Exclue par tous, elle tente de résister seule dans la tourmente. Le dénouement positif de cette histoire permet de supporter la tension qui anime ce texte. Les adultes longtemps préservés de la réalité des faits auront des attitudes adaptées ce qui permet de clore le livre sur une note optimiste.

  • La fille seule dans le vestiaire des garçons, Hubert ben Kemoun, Flammarion, 2013

« En acceptant de donner un baiser à Enzo, Marion ne soupçonne pas qu’elle va faire de sa vie un enfer. La honte la submerge, puis la colère reprend le dessus. Bientôt elle va laisser libre cours à la vengeance. » Electre.

« On craint pour cette adolescente traquée, victime d’un complot sordide fomenté par une bande de garçons machos, sorte de petites frappes prêtes à tout pour avoir le mot de la fin. Mais ils ne l’auront pas.

Hubert Ben Kemoun arrive avec une véracité déconcertante à nous retranscrire les émotions ressenties par son héroïne. Heureusement que le personnage de Barnabé existe, son humour nous offre une joyeuse parenthèse au milieu de ce monde de brutes. » Ricochet.

  • Le journal malgré lui de Henry K Larsen, Susin Nielsen, Hélium, 2013

Un très bon livre, à l’écriture alerte, riche d’humour, empreint même d’une certaine légèreté malgré la gravité du sujet. Le narrateur est une victime collatérale d’une histoire de harcèlement extrêmement violente et ce décalage permet au récit d’être supportable. Une excellente référence.

  • De la rage dans mon cartable, Noémya Grohan, Hachette, 2014

Noémya Grohan a subi le harcèlement de ses pairs dans l’indifférence générale durant toute sa scolarité au collège; elle en est restée profondément marquée même si elle a pardonné et trouvé la paix. L’analyse lucide et juste met l’accent sur la souffrance physique et morale, destructrice de la personne.Ce texte militant témoigne de l’engagement de l’auteure dans la lutte contre ce fléau social. Les chapitres narratifs sont interrompus et suivis par des textes de rap qui dans un registre plus poétique, font écho au récit du vécu personnel ou rendent hommage à d’autres victimes qui ont perdu la vie à la suite de cette cruelle expérience.

Un livre essentiel qui fait prendre conscience de la réalité du harcèlement scolaire dans toutes ses dimensions. Un bel exemple de résilience !

Des bandes dessinées

  • Jane le renard et moi, Isabelle Arsenault Fanny Britt, La pastèque, 2012

Une bande dessinée canadienne où alternent des pages de dessins au crayon en noir et blanc qui racontent le quotidien difficile d’une adolescente un peu ronde, persécutée à l’école et des pages de dessin de couleur où l’on retrouve l’histoire de Jane Eyre qui passionne notre adolescente en souffrance, et la plonge dans un monde imaginaire. C’est délicat, très original et empreint d’une certaine étrangeté.

  • Mots rumeurs, mots cutter Charlotte Bousquet, Stéphanie Rubine, Gulf Stream

« L’idée d’écrire sur le thème du harcèlement tenait à cœur à Charlotte Bousquet, puisque adolescente, elle en a aussi été victime. Et ça se sent, à travers la puissance évocatrice des mots pour décrire la noirceur du propos. D’un jour à l’autre, suite à une banale histoire de jalousie, la vie jusque-là plutôt réussie de l’héroïne bascule pour devenir un cauchemar. Dans un premier temps, la cassure avec ses camarades est nette et sans appel. L’adolescente est violemment (verbalement et physiquement) mise sur la touche. Puis, une main se tend, laissant entrevoir un semblant d’espoir. Le texte percutant de Charlotte Bousquet et les illustrations, un brin rondes et naïves, de Stéphanie Rubini se complètent parfaitement. Un roman graphique tout en intelligence et sensibilité… » (ricochet-jeunes.org)

Un document utile

Le code junior, les droits et les obligations des moins de 18 ans, Dominique Chagnollaud de Sabouret, Dalloz, 8 ° édition Aout 2014

Présentation de l’éditeur :

« Nul n’est censé ignorer la loi. Or, les parents comme leurs enfants mineurs ou majeurs, manquent cruellement d’informations claires et précises sur l’école et son fonctionnement, les règles juridiques concernant la vie en société, et tout simplement celles concernant la famille.

Désormais, il y a le Code junior, qui, à l’image d’un code Dalloz, rappelle, mais sous une forme très simplifiée et adaptée, la règle de droit (référence aux articles de lois, décrets ou circulaires) assortie de commentaires accessibles à partir de l’âge de 11 ans. »

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